Marguerite Dilhan
En octobre 2022 certaines d’entre nous, à l’initiative du Club Zonta Jacqueline Auriol de Muret, ont assisté à une conférence très intéressante sur « Marguerite Dilhan, première avocate de France”. La conférencière, Anne Sireyjol*, avocate honoraire au Barreau de Toulouse, past-présidente du Rotary Club de Cugnaux (31) a passionné son auditoire par sa connaissance du sujet et ses anecdotes.
Marguerite Dilhan, née le17 septembre1876 à Miélan dans le Gers, fut la première avocate de France -diplômée en 1903- à exercer sa profession à Toulouse et à plaider devant la Cour d’Assises pendant cinquante ans.
Même si le Barreau de Paris prétend qu’en 1900, dans la capitale, deux “féminines”- Jeanne Chauvin et Olga Balachowski-Petit avaient précédé Marguerite Dilhan, ces deux femmes, très en avance à l’époque, n’ont jamais ni exercé ni plaidé.
Après un court passage à Lézignan (Hérault), les parents, Ferdinand et Valérie Dilhan , s’installent avec leurs trois filles, Marguerite (née en 1876), Jeanne (née en 1880),et Gabrielle(née en 1888) à Toulouse dans le faubourg Saint Cyprien, à l’époque populaire et souvent malodorant.
Les difficultés matérielles vont rapidement avoir raison de la santé des époux Dilhan, laissant Marguerite et ses sœurs orphelines. Un couple d’amis, Ernest, -Conseiller de préfecture, et Adolphine Barutel, prennent alors soin d’elles en devenant leurs tuteurs, selon le souhait de leur mère.
Ainsi les sœurs peuvent poursuivre leurs études. Marguerite, bachelière en 1899, s’inscrit à la Faculté de Droit de Toulouse grâce à une bourse et emménage dans un petit appartement d’un immeuble des Arcades du Capitole.
En même temps que ses études, Marguerite s’engage dans les œuvres sociales, notamment en faveur des enfants et devient même Présidente de la Ligue du Sud-Ouest contre la tuberculose infantile en 1901.
Grâce à l’affection et aux connaissances artistiques et littéraires du couple Barutel, Marguerite fréquente l’Académie des Jeux Floraux, la plus ancienne Académie de France, fondée en 1323 (qui célèbre cette année ses sept cents ans !)
Seule jeune fille au milieu de cinq cents étudiants, elle poursuit brillamment ses études de Droit et sympathise notamment avec Vincent Auriol originaire de Revel, avec qui elle partage idées, projets et sans doute quelques sentiments…
Diplômée en 1903, Maitre Marguerite Dilhan commence sa carrière à Toulouse en assurant la défense du couple Dumas accusé du meurtre de leur gendre : elle évite la peine de mort grâce à sa remarquable plaidoirie.
En février 1904, Marguerite va défendre à la cour d’Assises de l’Isère une féministe, Arria Ly,- née Joséphine Gondon- accusée d’avoir tiré sur le médecin qui avait fait mourir son père, par faute professionnelle.
Grâce au talent de Marguerite, Joséphine est acquittée : un nouveau mérite pour la jeune avocate.
Ainsi peu à peu Marguerite connait succès et renommée par ses plaidoiries "d’avocat femme” réussies.
Elle s’occupe toujours des œuvres sociales qui lui tiennent à cœur.
- « La goutte de lait Toulousaine » pour apprendre aux mères et aux nourrices l’hygiène qui diminuera la mortalité infantile.
- Le Groupement amical des Avocates de France, créé en 1912 avec l’aide de jeunes consœurs émules de Marguerite.
- La défense des militaires dans les Conseils de Guerre pendant les années 1914-1918.
Son Cabinet étant installé, depuis 1909, 2 bis rue Gatien Arnoult (près de la Basilique Saint Sernin et de la Bourse du Travail), Marguerite devient rapidement l’avocate des « Émigrés espagnols » dont elle a appris la langue.
Le 15 mars 1933, à Paris, Maître Marguerite Dilhan devient Chevalier de la Légion d’Honneur et en 1935, elle est élue membre du Comité Directeur de l’Association Nationale des Avocats (ANA).
Ses nouvelles fonctions lui permettent de participer à la création de la Caisse Autonome des Avocats.
La guerre civile en Espagne, la Retirada en 1936, l’entrée en guerre de la France en 1939 avec la condamnation à mort du colonel Charles de Gaulle, révoltent Marguerite qui défend immigrés, juifs , espagnols, avec le soutien de Monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse.
Ses obligations professionnelles multiples, ses diverses activités sociales ne lui font pas négliger son sens de la famille : ses sœurs, ses deux neveux, fils de Gabrielle vivant à Marseille.
Grâce à ses mérites, reconnus par tous, elle est élevée au grade d’Officier de la Légion d’Honneur en février 1949.
En juillet 1953, à 77 ans, Marguerite est fêtée par toute sa famille et ses pairs pour la célébration, à Toulouse, de son Deuxième Jubilé.
Mais ses forces diminuent, après des années de dévouement et de labeur pour autrui.Marguerite, âgée de 88 ans, rend son dernier soupir à Toulouse le 3 mars 1956 entourée par sa sœur Gabrielle et son neveu Paul Louis, médecin.
Le 6 mars 1956, en la Basilique Saint Sernin, une foule importante rend hommage à Marguerite Dilhan, Grande Dame et Première Avocate de France, dont le cercueil est recouvert par sa Robe d’Avocate ornée des rubans rouges.
Notre Club Inner Wheel Toulouse Garonne aurait été très honoré de pouvoir accueillir, si cela avait été possible, Marguerite Dilhan au sein de ses membres.
Marie José Oliver IW Toulouse Garonne
*Réf. : La première avocate de France Marguerite Dilhan 1876 - 1956 par Anne Sireyjol